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Publicité sur les alcools, focus sur l’arrêt
de renvoi du 15 juin 2021 après cassation
Nous le savons, la loi Evin n’interdit
pas la publicité sur les boissons alcooliques (à la différence de la publicité
sur le tabac), elle la règlemente dans le but de prévenir l’addiction à l’alcool,
en particulier chez les jeunes.
Ainsi, le Code de la santé publique
énumère de façon limitative les supports de publicité autorisés (article
L3323-3) et les contenus de la publicité autorisés (article L3323-4), si bien
que les débats en justice sur la publicité licite portent couramment et classiquement
sur l’un et/ou l’autre de ces aspects.
L’Association National de Prévention
en Alcoologie et Addictologie (ANPAA), qui est devenue plus simplement Association
Addictions France, surveille particulièrement l’application de la loi en menant
une veille sur les publicités diffusées.
C’est à l’occasion d’une procédure
engagée par l’ANPAA contre la société Kronenbourg, dans une affaire qui se rapporte
à la publicité de ses bières Grimbergen (films publicitaires intitulés « La
légende du Phoenix », et « Les Territoires d’une légende »,
jeu vidéo «Le jeu des territoires »), que la Cour de cassation s’est
prononcée sur leur validité, dans un arrêt du 20 mai 2020.
La Cour de cassation a cassé l’arrêt
de la Cour d’appel de Paris du 13 décembre 2018 en soulignant que « si
la publicité pour les boissons alcooliques est licite, elle demeure limitée aux
seules indications et références spécifiques spécifiés à l’article L.3323-4 du
Code de la santé publique précité, et présente un caractère objectif et
normatif, lequel ne concerne donc pas seulement les références relatives à la couleur
et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit » (C.
cass. civ. 1ère , 20 mai 2020, n°19-12278).
A notre sens, la cassation est
logique car la Cour d’appel s’était aventurée dans une interprétation peu convaincante
de l’article L.3323-4 du Code de la santé publique, qui pourtant clair ne prêtait
pas à interprétation.
Au surplus, celle-ci conduisait à faire
peu de cas de la jurisprudence dominante de la Cour de cassation, et des juges
du fond, retenant que le contenu autorisé de la publicité sur les boissons alcooliques
doit être objectif, ce qui a toujours valu pour les mentions sur l’indication
du degré volumique d’alcool, l’origine, la dénomination, la composition du
produit….., de l’alinéa 1 de de l’article L.3323-4 du Code de la santé publique.
Ainsi, la Cour de cassation prend soin
de citer dans son arrêt du 20 mai 2020 sa décision du 1er juillet
2015 à propos de la campagne du Conseil Interprofessionnel du vin de Bordeaux
(CIVB), d’où il ressort que la loi Evin exige « une représentation
objective du produit » qui n’est pas exclusive d’une « impression
de plaisir », qui « ne dépasse pas ce qui est nécessaire à la
promotion des produits et inhérent à la démarche publicitaire proprement dite »
(C. cass. civ. 1ère, 1er juillet 2015 n°14-17368).
D’ailleurs, la jurisprudence plus
ancienne mettait déjà l’accent sur cette exigence d’un message publicitaire qui
doit se borner à « la reprise des caractéristiques objectives et
techniques du produit », ou « aux éléments qui se rattachent à
l’une des informations limitativement énumérées par l’article L.3323-4 du Code de
la santé publique », « à l’exclusion de toute connotation
attractive » (par exemples, C. cass. civ. 25 juin 1998, n°96-10397 ;
C. cass. crim. 29 novembre 2005, n°05-81189 ; CA Versailles 18 mai 2007
confirmé par C. cass. crim. 14 mai 2008, n°07-86055).
L’intérêt de cette affaire me semble
plus résider dans l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles, cour de
renvoi, en date du 15 juin 2021 pour les raisons suivantes (CA Versailles,
15 juin 2021 n°20/02757).
1. La
Cour d’appel de Versailles déclare illicite les films publicitaires et notamment
celui « Les territoires d’une légende » qui rappelle la série « Games
of Thrones » au motif que « ce film est manifestement esthétique,
attractif et destiné à donner une image valorisante de la bière Grimbergen et à
inciter à sa consommation », ajoutant qu’il ne se limite pas « aux
seules caractéristiques objectives » énumérées à l’article L3323-4 du Code
de la santé publique, et concluant « qu’il s’ensuit que ce film, qui ne
se veut pas informatif, contrevient aux dispositions de l’article L3323-4 du Code
de la santé publique ».
La solution est ainsi clairement confirmée,
la seule publicité licite est celle qui se limite aux caractéristiques objectives
du produit énumérées par la loi, elle doit présenter un caractère objectif et
informatif limité aux seules indications et références spécifiées par l’article
L3323-4 du Code de la santé publique.
2. La
Cour d’appel de Versailles s’est aussi prononcée sur la licéité du « jeu
des territoires » qu’elle décrit comme montrant une carte avec des territoires
fictifs sur lesquels il est possible de cliquer pour accéder à des jeux
différents, ce faisant l’internaute accède sur une barre d’espace et apparait
un verre de bière rempli à ras bord.
Elle juge ce jeu illicite car « De
telles indications, en particulier fictives, ne sont manifestement pas conformes
aux exigences de l’article L3323-4 du Code de la santé publique puisqu’elles ne
fournissent pas des informations objectives sur l’origine du produit ou le terroir
de production de celui-ci ».
Elle ajoute que ce jeu est d’autant
plus illicite qu’il « consiste à inciter principalement le jeune public
à consommer cette boisson », « sans aucun contrôle ou frein
pour jouer », et qu’il ne respecte donc pas l’exigence sur la destination
du support internet de l’article L3323-2 du Code de la santé publique.
Il est ainsi intéressant de
souligner que le principe même d’inciter à la consommation d’alcool par l’organisation
d’un jeu faisant la promotion d’une bière n’est pas en soit interdit.
C’est déjà ce qu’avait jugé la Cour
d’appel de Paris à propos d’une loterie dont le lot consiste en des bouteilles
de Champagne, le juge soulignant que seule la communication autour de l’opération
est soumise au régime légal des publicités en faveur de des boissons
alcooliques, le jeu lui-même étant soumis aux dispositions du code de la
consommation, qui n’interdit nullement de tels lots (CA Paris 3 décembre
2020 n°18/15699).
L’organisation d’une loterie comportant
comme lot une boisson alcoolique n’est donc pas interdite.
3. La Cour d’appel de Versailles octroie enfin à l’ANPAA une
indemnité de 50 000 € sur les 70 000 € demandés en réparation de son préjudice.
C’est à notre connaissance l’une des
plus importantes allocation de dommages et intérêts en faveur de cette
association, qui a mis en avant les efforts financiers et humains qu’elle
fournit pour faire respecter la législation et la remise en cause de ces
efforts par la publicité litigieuse, « de nature à générer un sentiment
de découragement auprès de ses membres ».
La Cour d’appel lui reconnait ainsi la
réparation de ce préjudice moral.
Stéphane SALEMBIEN
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