du 20 mai 2020
s.salembien@flv-associes.com
Le Covid 19, les relations industrie-commerce
sous tension
Deux dates se télescopent
brutalement en 2020.
Le 1er
mars est celle
limite de conclusion de la convention récapitulative annuelle entre le
fournisseur et le distributeur des produits (article L441-3 du Code de
commerce), le 16 mars la date d’effet des mesures de confinement prises
par le gouvernement.
Autant dire que ce qui avait été prévu
par les parties dans leur convention d’affaires annuelle n’a guère pu être mis
à exécution.
« Ils ne mourraient pas tous,
mais tous étaient frappés » (Les animaux malades de la peste, Jean
de la Fontaine).
Ainsi, les moins affectés par les mesures
de confinement sont sans doute les commerces alimentaires et les industriels de
l’agroalimentaire qui les approvisionnent, avec toutefois des variables.
La même remarque vaut pour les laboratoires
pharmaceutiques, les pharmacies étant restées ouvertes, mais avec la constatation
d’une baisse de la fréquentation et du chiffre d’affaires.
Quant au secteur du bricolage
jardinage, il est plus touché car bien que faisant partie des commerces qui sont
« indispensables à la vie de la
Nation », la plupart des enseignes n’ont ouvert que pour leurs
activités de livraison et de retrait de commandes.
Les enseignes spécialisées dans la
distribution de produits cosmétiques et parfums ont en revanche été totalement
fermées jusqu’au 11 mai avec les conséquences que l’on imagine pour les industriels
concernés.
Dans ce contexte, les relations commerciales
qui avaient été négociées n’ont bien souvent pas été respectées (baisses des volumes,
retards de livraison, retards de paiements, reports des périodes de promotion, reports
ou annulations des mises en avant et des publicités commerciales…).
Le maintien en l’état de ces accords
pourrait ne plus être envisageable.
Pour en sortir au mieux, chaque
partie sera tentée de fourbir ses armes afin dans le meilleur des cas de négocier
un nouvel accord.
-
Celle de la force
majeure ne peut être d’application systématique car la condition essentielle
du caractère insurmontable de l’évènement,
c’est-à-dire de l’impossibilité pour l’entreprise d’exécuter ses obligations, doit
être examinée au cas par cas en fonction de la situation de l’entreprise
qui l’invoque.
La force majeure présente l’avantage
de permettre de rompre une relation commerciale établie sans préavis (article
L442-1 II).
Mais l’on sait que s’agissant de l’obligation
de payer, la force majeure n’en exonère pas en principe le débiteur (Cour de
cassation 16 septembre 2014).
-
Chaque partie
sera tentée d’opposer à l’autre l’argument de l’exception de l’inexécution
(article 1219 du Code civil ou pour risque d’inexécution (article 1220 du Code
civil) pour se dégager temporairement
de ses obligations.
Par exemple, le fournisseur
invoquera le manquement de l’acheteur à s’approvisionner dans la quantité
prévue, et le distributeur celui du fournisseur de ne pas honorer les mises en
avant et prestations publicitaires prévues.
Mais, dans le contexte du Covid 19 il
est probable que chaque partie puisse opposer à l’autre divers manquements
consécutifs aux circonstances actuelles, ce qui peut conduire à une situation
de blocage et de suspension plus ou moins longue du contrat qui n’est pour
autant pas rompu.
Aussi de temporaire, la suspension d’exécution
peut devenir définitive si l’une de parties prend le risque de dénoncer le
contrat, et l’on sait que dans le contexte d’une relation commerciale
établie, afin d’éviter le grief de rupture brutale, la question de l’octroi
ou non d’un préavis se posera.
-
L’une des
parties pourrait être tentée d’invoquer le Covid 19 et ses conséquences sur l’activité
économique pour se prévaloir d’une exécution du contrat qui serait devenue « excessivement
onéreuse » et en demander ainsi la renégociation à l’autre partie
(article 1195 du Code civil).
C’est la possibilité de se prévaloir
de l’imprévision si les contrats existants ne l’excluent pas, et à
condition de justifier de cette condition essentielle, car il est bien certain
qu’un simple surcoût ne serait pas suffisant.
La renégociation de la convention unique
est déjà envisagée par les textes, car il est prévu que celle-ci puisse donner
lieu à des avenants écrits (article L441-3 II du Code de commerce), mais encore
faut-il que l’autre partie l’accepte, ou à défaut que le juge saisi sur le
fondement de l’article 1195 du Code civil révise le contrat.
-
Il demeure
que dans une certaine mesure, l’exigence de bonne foi dans l’exécution des contrats
(article 1104 du Code civil) peut conduire les deux parties à rechercher entre
elles une solution à une situation exceptionnelle, ce qui passera par la renégociation
de leurs accords.
Bien entendu, comme à l’occasion de
la négociation du contrat cadre annuel initial, sa renégociation ne devra pas
donner lieu à la tentative ou l’obtention d’avantage sans contrepartie ou disproportionné
(article L442-1 1°du Code de commerce).
Elle ne doit pas non plus conduire à
créer un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties (article
L442-1 2°du Code de commerce).
Ainsi, dans de nombreux cas, la piste
de la négociation sera recherchée par des parties qui travaillent
ensemble dans une perspective constructive.
D’ailleurs, au cours d’une webconférence
organisée par l’Association Française d’Etudes de Concurrence (AFEC) le 21
avril 2020 sur le thème « les relations fournisseurs distributeurs à
l’épreuve du Covid 19 »,
il a été indiqué par les intervenants, dont M. Daniel Diot de l’Institut de Liaison
des Entreprises de Consommation (ILEC), qu’un groupe de travail au sein de la Commission
d’Examen des Pratiques Commerciales (CEPC) prépare la rédaction d’un guide des
bonnes pratiques de sortie négociée des conventions dites uniques conclues
avant le Covid 19.
Il ne devrait
pas manquer d’apporter des éclairages utiles et nous l’attendons avec grand
intérêt.
Stéphane SALEMBIEN
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